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Edito

Le compte rendu d'une RMM fait-il partie du dossier médical?

Me C. BOILEAU

La mort inattendue du nourrisson (MIN) se définit comme le décès subit d’un enfant âgé de un mois à un an jusque-là bien portant, sans cause apparente immédiate. Lorsqu’aucune étiologie n’est identifiée à l’issue d’un bilan complet, il s’agit d’une mort subite du nourrisson (MSN). EnFrance, 250 à 350 décès sont recensés chaque année, dont près de la moitié seraient évitablespar l’application stricte des recommandations de prévention. Le cadre juridique de la prise en charge des MIN résulte notamment de la circulaire interministérielle du 14 mars 1986 et des recommandations de la Haute Autorité de santé(2007). Ces textes organisent l’intervention coordonnée des centres de référence MIN, des autorités judiciaires et des services sociaux. L’autopsie, qu’elle soit médicale ou médico-légale, revêt une fonction essentielle : elle permet d’identifier la cause du décès, d’écarter une origine violente et, le cas échéant, de prévenir des procédures pénales infondées. Les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) sont quant à eux soumis à des obligations strictes de sécurité et de surveillance.  Aux termes de l’article L.214-1-1 du Code de l’action sociale et des familles, ils doivent garantir la santé, la sécurité et le bien-être des enfants confiés.

Tout manquement à ces obligations peut engager la responsabilité civile des gestionnaires ou des agents (articles 1240 et s. du Code civil), voire leur responsabilité pénale en cas de mise en danger délibérée ou de non-assistance à personne en péril (articles 223-1 et 223-6 du Code pénal). Enfin, face à une suspicion de maltraitance ou de danger, l’obligation de signalement s’impose aux professionnels, nonobstant le secret professionnel, conformément aux articles 434-3 duCode pénal et L.226-14 du Code de l’action sociale et des familles. L’articulation entre prévention, investigation médico-légale et responsabilité juridique constitue ainsi un enjeu central de la protection de l’enfance.

La mort inattendue du nourrisson : cadre réglementaire et responsabilité des professionnels

Me Cléa CARÉMOLI et Me Marine RONEZ

La mort inattendue du nourrisson (MIN) se définit comme le décès subit d’un enfant âgé de un mois à un an jusque-là bien portant, sans cause apparente immédiate. Lorsqu’aucune étiologie n’est identifiée à l’issue d’un bilan complet, il s’agit d’une mort subite du nourrisson (MSN). EnFrance, 250 à 350 décès sont recensés chaque année, dont près de la moitié seraient évitablespar l’application stricte des recommandations de prévention. Le cadre juridique de la prise en charge des MIN résulte notamment de la circulaire interministérielle du 14 mars 1986 et des recommandations de la Haute Autorité de santé(2007). Ces textes organisent l’intervention coordonnée des centres de référence MIN, des autorités judiciaires et des services sociaux. L’autopsie, qu’elle soit médicale ou médico-légale, revêt une fonction essentielle : elle permet d’identifier la cause du décès, d’écarter une origine violente et, le cas échéant, de prévenir des procédures pénales infondées. Les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) sont quant à eux soumis à des obligations strictes de sécurité et de surveillance.  Aux termes de l’article L.214-1-1 du Code de l’action sociale et des familles, ils doivent garantir la santé, la sécurité et le bien-être des enfants confiés.

Tout manquement à ces obligations peut engager la responsabilité civile des gestionnaires ou des agents (articles 1240 et s. du Code civil), voire leur responsabilité pénale en cas de mise en danger délibérée ou de non-assistance à personne en péril (articles 223-1 et 223-6 du Code pénal). Enfin, face à une suspicion de maltraitance ou de danger, l’obligation de signalement s’impose aux professionnels, nonobstant le secret professionnel, conformément aux articles 434-3 duCode pénal et L.226-14 du Code de l’action sociale et des familles. L’articulation entre prévention, investigation médico-légale et responsabilité juridique constitue ainsi un enjeu central de la protection de l’enfance.

Statut juridique de l'embryon et du foetus en utérus artificiel

Dr Jean-Pierre Chemla

Le droit ne reconnaît généralement la personnalité juridique qu’à un enfant né vivant et viable. Un embryon ou un fœtus est considéré comme une personne potentielle ou un être anténatal qui n'est ni une chose ni une personne (1). Dans le cadre de l'ectogenèse (2), son statut deviendrait encore plus ambigu. Est ce qu'il peut être soumis à la recherche ? Jusqu'à quel stade son développement est-il protégé ? Les lois actuelles encadrent strictement la recherche sur l'embryon mais l’ectogenèse pourrait brouiller la distinction entre la recherche et la prise en charge d'un être humain. La filiation est traditionnellement établie par le lien biologique et le lien gestationnel. En cas de d'ectogenèse, la mère biologique ne serait pas nécessairement la mère gestationnelle puisqu'elle n'aurait pas porté l'enfant. Les cadres juridiques actuels devraient donc alors être adaptés pour déterminer qui est le parent légal. La paternité est souvent liée au don de sperme mais la maternité est plus complexe. S'agit-il de la donneuse d'ovule, de la personne qui a commandé la gestation artificielle ou d'une autre figure parentale ? La question des contrats de gestation par utérus artificiel deviendrait centrale. Les lois de nombreux pays interdisent ou encadrent strictement la gestation pour autrui mais l’ectogenèse pose de nouveaux défis car elle ne fait pas appel au corps d'une autre femme mais à un dispositif médical. L’ectogenèse soulève également des questions concernant le droit à l'avortement. Si un fœtus peut être transféré dans un utérus artificiel est-ce que cela remplace le droit à l'avortement ? Un droit à la non-parentalité pourrait être invoqué ou une personne aurait le droit de ne pas devenir parent, même si le fœtus peut être sauvé par une gestation artificielle. inversement l'interruption de la gestation dans l'utérus artificiel pourrait être qualifiée de meurtre ce qui rendrait l'acte de non-parentalité juridiquement lourd de conséquences. L'éventualité d'une gestation entièrement artificielle ou ectogenèse représente un défi majeur pour le système juridique actuel. Elle remet en question les notions fondamentales comme le statut de l'enfant à naître et la parentalité, nécessitant de nouvelles lois pour s'adapter à cette révolution technologique.

1. L’embryon et le fœtus, entre personne et chose, entre science et droit : des protections d’intérêts. https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2020/01/26/lembryon-et-le-foetus-entre-personne-et-chose-entre-science-et-droit-des-protections-dinterets/

2. Une reproduction sans utérus? État des lieux de l'ectogenèse. https://hal.science/hal-01190417 

Les dilemmes éthiques de la gestation en utérus artificiel

Dr Jean-Pierre Chemla

Les avancées scientifiques autour de l’ectogenèse (1), la gestation en utérus artificiel, soulève d'importants problèmes éthiques qui bouleversent le fondement de notre société et de la conception même de la vie humaine. Au-delà des considérations techniques, ces questions se concentrent sur notre rapport à la parentalité à la naissance et à la valeur intrinsèque de l'être humain. L'un des principaux enjeux est la redéfinition de la maternité et de la parentalité. L'ectogenèse sépare la grossesse du corps maternel, remettant en question la notion traditionnelle de filiation. Qui est le parent ? Celui qui fournit l'ovule et le sperme ou celui qui a couvé l'enfant dans une machine ? Cette déconnexion pourrait rendre la naissance impersonnelle, un simple processus technique et clinique, ce qui risquerait de la déshumaniser. Parallèlement, la mise sur le marché d’utérus artificiel, pourrait mener à la marchandisation de la vie. Si cette technologie devient un service payant, elle pourrait créer une nouvelle forme d'inégalités, rendant l'accès à la procréation dépendante des moyens financiers. La commercialisation d'un tel dispositif soulève la crainte d'une dévalorisation du processus de la vie humaine où la grossesse devient une transaction et l'enfant un produit. La question du statut de l'enfant est tout aussi cruciale. Un fœtus en développement dans un utérus artificiel serait-il considéré comme un patient avec des droits ou simplement comme un objet de recherche ? Son statut juridique et moral serait au centre des débats car il remettrait en cause les protections actuelles accordées aux êtres en gestation. Le bien-être de l'enfant à long terme est également une inconnue majeure. Les conséquences psychologiques et physiques d'une naissance hors du corps maternel ne sont pas connus. Le manque de liens physiques précoces pourrait-il avoir un impact sur son développement ? Enfin l'ectogenèse pourrait ouvrir la voie à l'eugénisme. L'utérus artificiel permettrait une surveillance et une potentielle modification du développement fœtal. Cette possibilité de perfectionner l'enfant pourrait pousser les parents à sélectionner ou à modifier des caractères génétiques, transformant le processus de procréation en une quête de l'enfant parfait. Ces questions éthiques complexes sont au cœur des débats sur l'avenir de la procréation bien d'au-delà de la fausse nouvelle du robot de grossesse.

1. Une reproduction sans utérus? État des lieux de l'ectogenèse. https://hal.science/hal-01190417 

Information et perte de chance en cas d'utérus cicatriciel

Dr Jean-Pierre Chemla

Les gynécologues obstétriciens ont la responsabilité et le devoir de fournir à leurs patientes une information complète loyale et exhaustive mais qui se doit aussi d'être nuancée. L’information  communiquée en cas d’utérus cicatriciel porte essentiellement  sur le risque de rupture utérine qui est de 0,5 %, en cas de travail spontané et de 1 % en cas de déclenchement du travail. Elle porte aussi sur le risque immédiat, en termes de morbimortalité, et obstétrical, à long terme, selon le choix qui est fait. Ces praticiens ont aussi l'obligation de communiquer à leurs patientes les recommandations professionnelles sur le sujet qui sont plutôt en faveur d'une voie basse en cas d'antécédent de césarienne. Il leur est possible de donner ou non leur avis sur le choix de la voie d'accouchement même si la décision appartient en dernier ressort à la parturiente. Les conséquences de l'information communiquée sur le choix de la voie d'accouchement, dépendent, c'est une évidence,  des modalités de sa délivrance et de la légitimité de la personne qui la délivre. Il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude ayant évalué la probabilité pour qu’une parturiente, choisisse la voie haute, une fois dûment renseignée sur les risques d’une voie basse en cas d'antécédent de césarienne. Peut-on croire un seul instant, qu’informée des risques extrêmement faibles d’une voie basse qu’il recommande, par un médecin investi de sa confiance, une parturiente ferait un choix différent de celui conseillé qui pourrait s'apparenter alors à un jeu de pile ou face ? Tel est pourtant ce que prétendent certains experts, ou/et certaines Commissions et Tribunaux, en évaluant à 50 % la perte de chance en lien avec un défaut d’information. Ne serait-il pas plus réaliste de considérer, au contraire, comme le voudrait le simple bon sens, que la grande majorité des patientes suivrait les conseils de voie basse donnés par son obstétricien qui est, par nature, investi de sa confiance? En attendant qu'une étude, d’un bon niveau de preuve, viennent confirmer ce point de vue empirique, il est de l’intérêt bien compris des professionnels de l'obstétrique, de s’assurer de la traçabilité, dans le dossier médical, de l’information délivrée et de remettre, chaque fois que c’est possible, lorsqu’il existe, le document ad hoc édité, par la société savante de leur spécialité.

Faute par maladresse ou accident non fautif, comment éclairer le juge?

Me Johanna Britz, jbritz@109avocats.fr

Le droit de la responsabilité médicale repose sur un équilibre subtil entre expertise technique, analyse médico-légale et raisonnement juridique. Dans ce cadre, l’expertise occupe une place centrale : même si ses conclusions ne lient pas le juge, elles orientent largement l’appréciation finale du litige. Le rapport d’expertise doit donc avant tout être clair, précis et accessible.

La notion de « maladresse chirurgicale », absente tant des textes juridiques que de la littérature médicale, renvoie à une atteinte involontaire d’un tissu ou d’un organe au cours ou à la suite d’un acte médical. Il peut s’agir, par exemple, de plaies, d’éraflures ou de perforations survenues lors d’une chirurgie ou d’un geste médical ou paramédical.

Depuis le début des années 2000, la jurisprudence, sous l’impulsion de la Cour de cassation, a progressivement précisé le régime applicable aux fautes liées au geste technique. Elle articule ainsi l’obligation de moyens du praticien avec l’exigence de conformité du geste, et a défini un régime probatoire en deux étapes. Lorsque le patient démontre l’atteinte d’un organe non concerné par l’intervention et en lien direct avec le geste opératoire, la présomption de responsabilité du praticien s’applique (Présomption de faute). Pour s’exonérer, le professionnel doit établir que la lésion était inévitable.

La faute est donc retenue par le juge lorsque la lésion affecte un organe ou une zone étrangère à l’intervention, ou qu'elle  survient pendant ou immédiatement après celle-ci, et aucune particularité anatomique du patient ne permet de justifier son caractère inévitable. À l’inverse, lorsqu’une lésion touche précisément la zone opérée mais résulte d’une configuration anatomique particulière ou de circonstances imprévisibles, l’événement est alors qualifié d’aléa thérapeutique.

Cette conjugaison de l’obligation de moyens du praticien et l’exigence d’un geste techniquement irréprochable ne va pas de soi. Elle peut placer l’expert judiciaire dans une position délicate, susceptible de le conduire à des conclusions qui divergent d’une jurisprudence pourtant solidement établie.

Si le juge demeure libre de son appréciation, un rapport d’expertise didactique et structuré, contribue néanmoins à clarifier la procédure, limiter les recours et favoriser une meilleure compréhension de la décision rendue.

 

Article complet de l’auteur sur le sujet à l’adresse suivante :

https://www.109avocats.com/post/maladresse-chirurgicale-et-expertise-peut-on-être-maladroit-sans-être-fautif 

L'intelligence artificielle en médecine: une révolution devant rester sous contrôle humain.

Me Anna BENHAMOU, acb.avocat@gmail.com.

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) dans le champ médical soulève des interrogations majeures en matière de responsabilité et de protection des données de santé. Si ses bénéfices apparaissent indéniables, la collecte, le traitement et l’utilisation des informations médicales dans ce cadre appellent une vigilance accrue.

Longtemps cantonnée à l’imagerie médicale, l’IA s’étend désormais à l’établissement des diagnostics, à l’orientation des choix thérapeutiques et même à l’assistance opératoire. Des programmes tels que Colive Voice, mené au Luxembourg, en témoignent : par l’analyse de biomarqueurs vocaux via des algorithmes de machine learning et de deep learning, il ambitionne de détecter précocement certaines pathologies, notamment métaboliques ou cancéreuses.

Toutefois, l’IA ne saurait être perçue comme neutre ni objective. Comme le soulignait Heidegger dès 1954, considérer la technique comme une simple entité neutre revient à s’exposer au risque de méconnaître son essence. Or, les modèles d’IA constituent des systèmes socio-techniques, porteurs de biais inhérents à la conception des algorithmes et aux données qui les alimentent. Ces biais participent à façonner la décision médicale et peuvent, ce faisant, induire des inégalités entre patients, notamment au détriment des populations minorisées ou sous-représentées dans les corpus de données. Face à ces dérives possibles, le rôle du droit devient primordial. 

Les législateurs français et européens ont érigé un cadre normatif spécifique, renforçant la protection du secret médical et imposant des dispositifs de pseudonymisation pour limiter les risques liés au traitement de données identifiantes. Toutefois, la seule anonymisation ne saurait suffire à prévenir les discriminations induites par des bases de données biaisées. Au surplus, la fiabilité du diagnostic algorithmique demeure une question centrale : un diagnostic erroné, prématuré ou tardif est susceptible d’engendrer des conséquences délétères tant sur l’évolution clinique que sur la prise en charge psychologique du patient. 

Dans ce contexte, la place du médecin reste irréductible. Si l’IA constitue un outil d’aide à la décision, elle ne saurait en aucun cas se substituer à l’expertise clinique ni à la responsabilité du praticien. Ce dernier demeure la pierre angulaire du système de santé, dépositaire d’une responsabilité pleine et entière face à l’évolution des maladies et garant de l’intérêt du patient.

 

Références:

Essais et conférences, Gallimard, 1958 (éd. française), p. 4 cité par A. Latil, Le droit du numérique. Une approche par les risques, Dalloz, 2023, p. 24.

The Imperative of Voice Data Collection in Clinical Trials - Digit Biomark 2024;8:207–209 DOI: 10.1159/000541456 - Guy Fagherazzi Yaël Bensoussan

Règl. [UE] n° 2016/679 du 27 avr. 2016 [RGPD] ; Règl. [UE] n° 2024/1689 établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle – AI Act – adopté le 13 juin 2024

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