Défaut de diagnostic anténatal d'un syndrome polymalformatif
- Dr Jean-Pierre Chemla

- 18 févr.
- 3 min de lecture
Il s'agit de l'absence de diagnostic anténatal d'une anomalie chromosomique, translocation 4-12, responsable d'un handicap majeur malgré la réalisation d'une amniocentèse.

Les faits
Mme M. a 25 ans au moment des faits en 2004. Elle a bénéficié, lors de la grossesse en cause de plusieurs échographies prénatales et d'une demande d'avis auprès du CPDPN en raison d'une clarté nucale augmentée. Une échocardiographie foetale a été réalisée qui n'a pas retrouvé d'anomalie. Un caryotype a été réalisé sur liquide amniotique prélevé par amniocentèse, qui a été interprété comme normal. Mme M. a donné naissance à un enfant de sexe féminin prénommé E., qui présentait un syndrome polymalformatif avec dysmorphie faciale. Une consultation génétique a été demandée. Il a été préconisé une recherche de délétion du chromosome 4 par FISH qui a permis de mettre en évidence une translocation 4-12 qui avait échappé au dépistage anténatal et au caryotype de l'enfant. Cette translocation avait été transmise à E. par son père. Le diagnostic final est celui d’une anomalie chromosomique avec syndrome de Wolf-Hirschhorn, caractérisé surtout par un retard psychomoteur important, une hypotrophie et plusieurs anomalies associées (sténose pulmonaire, surdité profonde bilatérale) nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire. Le couple a eu, depuis cette naissance, un autre enfant. Celui-ci est porteur de la même translocation, équilibrée cette fois. Le diagnostic a été fait par un caryotype, sur biopsie de trophoblaste, en raison de ses antécédents.

Griefs :
Le couple estime qu'il a été privé d'un accès à l'IMG.

Avis du Collège d’experts
Le dommage consiste en l’absence de diagnostic anténatal d'une translocation 4-12 responsable d'un handicap majeur. L'information sur l'anomalie génétique de E. n'a pas pu être donnée à Mme M. pendant sa grossesse car le diagnostic n'a été établi qu'après la naissance. Mme M. avait cependant été tenue au courant, par son médecin, des risques malformatifs existant du fait de l'épaississement de la nuque au premier trimestre, des limites des examens échographiques et de cytogénétique, ainsi que des conclusions plutôt rassurantes du CPDPN. Aucun reproche n’a été fait au médecin cardio-pédiatre qui a examiné cette patiente à deux reprises car il n’existait pas de cardiopathie dépistable en anténatal.
Les experts n’ont pas retenu de faute de la part de l'équipe du CPDPN. Les investigations et les moyens du diagnostic anténatal ont été conformes aux recommandations de bonne pratique à l’époque des faits.

Avis de la CCI
La commission a considéré que l’absence de diagnostic anténatal de la translocation 4-12 ne peut être reprochée à l’équipe du CPDPN. Elle considère que si un examen par fluorescence a pu confirmer la délétion à l’origine de la pathologie de E. en post natal, c’est parce que cette recherche a été orientée du fait des constatations faites à la naissance. Aucune recommandation n’obligeait à réaliser cette recherche ciblée avant la naissance sur la base des éléments dont les professionnels de santé avaient connaissance avant la naissance. Elle ne retient aucune faute à imputable au CPDPN, aux médecins et aux échographistes. La demande d'indemnisation présentée par Madame M. et M. F. a été rejetée.

Commentaire médico-juridique
L'anomalie génétique dont est atteinte la jeune E. n'est pas la conséquence d'un accident médical, mais d'une pathologie génétique, dont le diagnostic n'a pas pu être établi avant sa naissance et qui survient avec une fréquence de 1 sur 50 000 naissances.
À l'époque des faits, les séries publiées estiment que le plus souvent le diagnostic de ce type de malformation est porté après la naissance et que le caryotype prénatal ne retrouve pas d’anomalie près d’une fois sur deux. Si ce diagnostic avait été fait en prénatal, il aurait fait discuter avec le couple une indication d'interruption médicale de grossesse, qui aurait été recevable au vu de la lourdeur de la pathologie de E.
Le dommage présenté par E. est exclusivement rapporté à sa pathologie initiale et à son état antérieur. Il ne saurait donc être imputé à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins, mais à une pathologie génétique.
L'article L.1142-1 II du Code de santé publique dispose qu'ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les préjudices du patient lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret.
Les conditions d'indemnisation par la solidarité nationale, telles qu'elles résultent de l'article L.1142-1 du Code de la santé publique, ne sont pas remplies.
Bibliographie
- Prenatal Diagnosis of Brain Abnormalities in Wolf-Hirschhorn syndrom. De Keersmaecker B. et al. Diagnostic prénatal. Mai 2002 ; 22(5) :366-70. DOI : 10.1002/pd.318.
- Prenatal sonographic patterns in six cases of Wolf-Hirschorn (4P-) syndrome. Boog et al. Diagnostic fœtal 2004 sept-oct;19(5):421-30. DOI : 10.1159/000078995.

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