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Hépatite néonatale à HSV1 et Syndrome d'activation macrophagique (S.A.M.) : une course contre la montre !

Dr Gilles VALLEUR, Pr Y. AUJARD, Dr O. PHILIPPE

Me Marine RONEZ

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Les faits


E. est né en 2015 après une grossesse et un accouchement à terme sans incident. Les suites de couches ont été normales. Deux jours après son retour à domicile E. présente une fièvre à 38,4°. Il est hospitalisé immédiatement au CHR local. Il est en bon état général. La biologie initiale montre une CRP à 16 mg/l. Les transaminases sont normales (ASAT 40 et ALAT 45). L’hémoculture et la ponction lombaire sont réalisées. Elles ne seront pas contributives. Une triple antibiothérapie est instituée d'emblée pour une probable infection bactérienne materno-foetale tardive. Pendant l’hospitalisation apparait un ballonnement abdominal avec, sur le plan biologique, une élévation de la CRP à 53 mg/l et une cytolyse débutante (ASAT 148 et ALAT 48). À J4 et J5 de l’hospitalisation, la fièvre est inchangée. Elle est associée à un ballonnement abdominal et des selles liquides. Au matin de J6, la fièvre persiste et la cytolyse est considérable (ASAT 2687 et ALAT 713). Un contact téléphonique est pris auprès des services de réanimation pédiatrique et de chirurgie digestive du CHU de référence, avec lesquels il est poursuivi une surveillance conjointe. Dans l'après-midi, devant l’aggravation de la cytolyse accompagnée d’une altération de la crase sanguine et du fibrinogène et d’une élévation importante de la ferritine, E. est transféré en réanimation, où un syndrome d'activation macrophagique (SAM) est évoqué dès son arrivée. Un avis est alors pris auprès du service de référence d’un CHU parisien, où il est conseillé de débuter un traitement par immunosuppresseur et corticoïdes. Dans l'hypothèse d'une origine génétique au SAM, E. est transféré à Paris le 7ème jour de son hospitalisation. La PCR, faite précédemment au CHU local, révèle une infection à HERPES virus de type I. Malheureusement E. décède le lendemain de son transfert dans un tableau de défaillance multi-viscérale.


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Griefs 


Tout en admettant la difficulté du diagnostic, les demandeurs, par la voix de leur conseil, reprochent l’absence de contrôle des transaminases devant l’absence d’amélioration malgré le traitement institué, l’absence de concertation entre les praticiens, sur le dossier, et l’appel tardif d’un service spécialisé de référence. Par ailleurs, la sérologie herpétique des parents étant négative, ils considèrent que la contamination a nécessairement été nosocomiale.


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Avis du Collège d’experts


E. est décédé d’une hépatite fulminante due à une infection par le virus de l’herpès HSV1, accompagnée d’un SAM. Selon les experts, l’infection de E. par le virus de l’Herpès a été probablement contractée au cours des soins prodigués après sa naissance en maternité.

Le diagnostic était évidemment difficile initialement, mais le diagnostic et le traitement de l’infection herpétique ont effectivement été tardifs, en l’absence d'antécédent chez la mère, ou de signe clinique patent chez l’enfant. En effet, l’absence d’amendement des signes infectieux sous antibiotiques, et l ' atteinte hépatique, auraient dû évoquer une infection virale, en particulier à Herpès virus, ce qui aurait pu permettre l’institution d’un traitement

spécifique (Acyclovir). Le SAM est une pathologie rarissime et grave à cet âge, et le traitement se résume aux mesures de réanimation et au traitement du virus en cause.

L’expertise judiciaire a été conduite par un pédiatre, praticien hospitalier, et par un infectiologue. Ils ont tous deux rappelé l’extrême gravité de l’herpès néonatal et la rareté du SAM à cet âge. La mortalité globale de la pathologie ayant été estimée à 80 %, la perte de chance d’un diagnostic et d’un traitement plus précoce a été évaluée à 20 %.


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Avis du Tribunal Adminisrtratif


Le Tribunal Judiciaire a suivi le raisonnement des experts, et retenu une perte de chance de 20 % d’éviter le décès de E. Malgré les incertitudes pesant sur l’origine exacte de l’infection herpétique, celle-ci a été considérée comme étant d’origine nosocomiale. La perte de chance a donc été répartie à 80% pour l’ONIAM au titre de la nosocomialité, et 20 % pour le CHR, en raison du retard au diagnostic et au traitement. Cette décision a été confirmée en Appel.

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Commentaires


-       Juridique


L’Article L. 1142-1, I du Code de la santé publique prévoit que les établissements de santé sont responsables de plein droit des infections nosocomiales, sauf s’ils prouvent l’existence d’une cause étrangère, ce qui est rarement retenu.

Il est ensuite précisé que si l’infection nosocomiale a entraîné un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique égal ou supérieur à 25 %, ou le décès du patient, l’ONIAM indemnisera le patient - ou ses ayants-droits - au titre de la solidarité nationale.

 Néanmoins, dans cette hypothèse, en cas de faute de l’établissement dans la survenue ou la prise en charge de l’infection, l’indemnisation pourra, selon l’intensité du lien de causalité entre la faute et le dommage, être mise en tout ou partie à sa charge.

 En l’espèce, le Tribunal retient la survenue d’une infection nosocomiale ayant entraîné le décès de l’enfant. Les conditions légales étant réunies (infection qualifiée de nosocomiale à l’origine du décès de l’enfant), la charge de l’indemnisation incombe à l’ONIAM.

 Toutefois, le Tribunal retient également un manquement imputable à l’établissement et considère que ce manquement a fait perdre une chance à l’enfant d’éviter l’évolution défavorable (décès), perte de chance évaluée à 20% compte tenu des circonstances de l’espèce. In fine, il appartient à l’ONIAM d’indemniser une part de 80% des préjudices subis. L’indemnisation des 20% restants incombe à l’établissement.

 

-       Médical


Le syndrome d'activation macrophagique fait partie des syndromes inflammatoires multi systémiques (MIS t-c). Il représente un défi diagnostique. Il s'agit d'une complication, fréquemment fatale, de désordres inflammatoires pédiatriques variés. Un diagnostic étiologique rapide et un traitement précoce par les mesures de réanimation, le traitement du virus en cause et l’immunothérapie sont essentiels.


Bibliographie 


-        Analyse et prévention des risques médicolégaux en obstétrique, pédiatrie et néonatalogie. Ed. DOUIN. Paris 2024 

-        Boumahni B, Djemili S, Gérardin P et al. Herpetic neonatal hepatitis. Arch Pediatr . 2005 ;12 : 1483-6.

-        Dong Y, Wang T and Wu H (2024) Heterogeneity of macrophage activation syndrome and treatment progression. Front. Immunol. 15:1389710.   

-        HAS : Prise en charge de l’herpès cutanéo-muqueux chez le sujet immunocompétent (manifestations oculaires exclues) ; Conférence de consensus ; mis à jour 19 juillet 2006. https://www.has-sante.fr/jcms/c_272087/fr/prise-en-charge-de-l-herpes-cutaneo-muqueux-chez-le-sujet-immunocompetent-manifestations-oculaires-exclues  

-        Luisa Berenise Gamez-Gonzalez, MD, Chiharu Murata, MS Jimena Garc Silva et al and the REKAMLATINA-3 MIS-C STUDY GROUP INVESTIGATORS. Macrophage Activation Syndrome in MIS-C PEDIATRICS 2024 ;154 :  e2024066780


 

 

 

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