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Hématome rétroplacentaire récidivant

Dernière mise à jour : 24 janv.

Il s'agit d'une mort foetale et maternelle en lien avec un hématome rétroplacentaire récidivant à l'origine d'une rupture utérine et d'une hémorragie de la délivrance.


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Les faits

Madame M. est une deuxième geste primipare. Elle est porteuse d’un utérus cicatriciel. A l’issue de sa première grossesse, elle a donné naissance, par césarienne réalisée en urgence à 34 SA et 5 jours d’aménorrhée, en raison de la survenue d’un hématome rétroplacentaire (HRP), à un nouveau-né mort in utero. Des tests à la recherche d’une cause exposant à une récidive ont été effectués. Aucune anomalie n’a été détectée. La grossesse en cause est la deuxième. Il s’agit d’une grossesse à haut risque qui a été suivie dans un Centre Hospitalier 1 (CH 1). Du KARDEGIC a été prescrit à titre préventif en raison de son antécédent d’HRP. Mme M. s’est présentée aux urgences du CH 1 pour des métrorragies abondantes au terme de 34 SA et 6 jours. L'échographie immédiatement réalisée a diagnostiqué une mort fœtale in utero en rapport avec une récidive d’hématome rétroplacentaire. Il a été initialement décidé de tenter d’obtenir une naissance par les voies naturelles. Compte tenu des pertes sanguines importantes et d’un bilan d’hémostase très perturbé, il a été réalisé une césarienne itérative, sous anesthésie générale, pour sauvetage maternel, après transfusion de concentrés globulaires (CG) et de plasma frais congelé (PFC). A l’ouverture de la cavité abdominale il a été constaté l’existence d’un hémopéritoine abondant et d’une rupture utérine avec expulsion du fœtus et du placenta dans la cavité abdominale. Le fœtus et le placenta ont été extraits en bloc de la cavité abdominale. Après la fermeture de l’utérus, en raison d’une mauvaise rétraction utérine, une perfusion de NALADOR a été mise en place, rapidement interrompue du fait de la survenue de troubles du Rythme Cardiaque. Un arrêt cardiorespiratoire s’est produit au décours de ces troubles du rythme cardiaque aboutissant à une issue fatale malgré trois chocs électriques. Il n’y a pas eu d’autopsie.


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Griefs :

Monsieur M. pense que toutes les précautions n’ont pas été prises pour que l’accident qui avait compliqué la première grossesse ne se reproduisent pas. Il n’a pas compris ce qui était arrivé à son épouse. Les informations qui lui ont été fournies ont été insuffisantes et dépourvues de la moindre empathie dans la forme et dans le fond. Une plainte contre X a été déposée par Monsieur M., ayant droit de Mme M. Un expert gynécologue-obstétricien a été missionné qui a considéré que la mort de Mme M. résultait d’un aléa obstétrical. L’expert n’a pas mis en évidence de faute caractérisée à l’origine du décès de Mme M. et a estimé que tant la prise en charge obstétricale qu’anesthésique avaient été conformes. L’affaire a abouti à un non-lieu. Conséquemment, une plainte a été déposée devant la Commission de Conciliation et d’indemnisation (CCI) qui a diligenté une nouvelle expertise, et missionné un collège d’experts comprenant, cette fois, un expert gynécologue obstétricien et un anesthésiste.




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Avis du Collège d’experts

Les experts missionnés par la CCI ont considéré que la récidive de l’hématome rétroplacentaire était imprévisible et inévitable. La rupture utérine est liée à la contracture utérine qui a accompagné l’HRP mais les experts ne peuvent indiquer à quel moment elle s’est produite. En revanche ils considèrent que la prise en charge anesthésique n’a pas été optimale car, selon eux, les pertes sanguines n’ont pas été suffisamment compensées. Ils retiennent, en conséquence, une perte de chance de 50% d’éviter le décès de Mme M. Comme bien souvent, les modalités d’évaluation de la perte de chance n’a pas été argumentée scientifiquement par le Collège d’experts ni d’ailleurs, comme nous le verrons ci-après, par la Commission.


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Avis de la CCI

La Commission considère en premier lieu que le diagnostic de rupture utérine a été posé tardivement par les équipes médicales du CH, ce qui a entrainé une prise en charge tardive de cette complication.

Elle considère en second lieu que la compensation des hémorragies massives subies par Mme M. a été insuffisante et non conforme aux règles de l'art.

Ces manquements des équipes médicales du CH s'analyse en des fautes qui engagent la responsabilité de cet établissement.

Ces fautes ont fait perdre à la parturiente une chance d'éviter le décès que la Commission, en

accord avec les conclusions expertales, évalue à 50 %.

La Commission déplore au surplus l'absence d'accompagnement de Monsieur M. par les équipes médicales de l'établissement mis en cause, ainsi que le manque manifeste de communication autour de cet évènement tragique.

La réparation des préjudices incombe au CH à hauteur de 50%




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Commentaire médical 

La cause du décès de Mme M. est la conjonction d’un hématome rétroplacentaire et d’une rupture utérine. La rupture utérine est la conséquence de l’hématome rétroplacentaire. La contraction utérine violente et prolongée qui accompagne, comme habituellement, l’hématome rétroplacentaire, a entraîné une désunion de la cicatrice utérine de la précédente césarienne. Le fœtus et le placenta ont été expulsés hors de l’utérus dans la cavité abdominale. Qu’il s’agisse d’une récidive ou non, l’hématome rétroplacentaire peut engendrer des troubles irrémédiables de la coagulation du sang et le décès de la parturiente, même après une prise en charge conforme aux pratiques. L’hématome rétroplacentaire est plus fréquent chez les femmes enceintes hypertendues comme l’était Mme M., mais il se produit aussi brutalement et tout aussi fréquemment chez les femmes enceintes jusqu’alors en parfaite santé. La récidive d’un HRP est très rare. Il n’existe aucun examen ni échographique ni test biologique ni même symptôme clinique prémonitoire qui permette de prévoir la survenue d’un hématome rétroplacentaire. Il n’existe pas, non plus, d’investigation d’aucune sorte qui permettrait de prévoir sa récidive, qui est en l’espèce, très rare. La seule cause connue de récidive de l’hématome rétroplacentaire est la thrombophilie dont l’étiologie est génétique et entraîne une tendance congénitale ou acquise à fabriquer des caillots sanguins. Les tests effectués à Mme M. n’ont pas mis en évidence de thrombophilie. Il n’existe pas non plus de traitement qui soit capable d’éviter, à coup sûr, la survenue de la récidive d’un hématome rétroplacentaire. Le KARDEGIC, qui fluidifie le sang, avait correctement été prescrit à Mme M. La seule possibilité théorique d’éviter une récidive d’hématome rétroplacentaire aurait été de faire naitre l’enfant prématurément, juste avant la date anniversaire du premier accident. Cette stratégie est exceptionnellement adoptée mais seulement après deux accidents déjà survenus et quand il a été démontré la présence d’une thrombophilie. L’inconvénient de cette méthode est de faire courir à l’enfant un risque certain de prématurité, quelquefois extrême pour un risque de récidive d’hématome rétroplacentaire qui reste malgré tout aléatoire. Cette solution n’était pas envisageable dans le cas de Mme M.


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Commentaire juridique .

1.     L’expertise pénale est fréquemment conduite sans même que l’intéressé n’ait été entendu par l’expert et n’ait pu s’expliquer sur sa prise en charge à l’inverse de l’expertise civile qui est contradictoire. Cette absence de contradiction est bien souvent attentatoire aux droits de la défense surtout lorsque la mission donnée à l’expert par le juge pénal consiste à évaluer la faute médicale. En droit pénal médical, il échet de distinguer l’auteur « direct » de l’auteur

« indirect ». L’auteur direct d’une infraction est celui qui commet une faute ou un manquement qui se trouve directement l’origine du dommage. Une faute simple peut être retenue. L’auteur indirect d’une infraction est celui qui commet une faute ou un manquement qui a contribué à la situation qui a permis la réalisation du dommage. L’auteur indirect doit avoir commis une faute particulière qui est, soit une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que l’auteur ne pouvait ignorer. (Me Aude CANTALOUBE et Me Diane ROUSSEAU De la complication médicale à l’expertise médicolégale : le traitement de la réclamation. Analyse et prévention du risque médicolégal. Ed. Douin. Page 41)

2.     Même si aucune faute relevant du pénal n’a été retenue à l’encontre d’un médecin ou d’un établissement de soins, rien n’empêche un demandeur de porter son affaire devant une autre juridiction civile ou administrative en vue d’obtenir une indemnisation.

3.     Juges et Commissions ne sont pas tenus de suivre les conclusions de leurs experts. Ici, tout en validant une perte de chance de 50% d’éviter le décès de Mme M., la Commission a jugé que cette perte de chance résultait de la conjonction d’un retard au diagnostic de la rupture utérine et d’une compensation non optimale de la spoliation sanguine subie par Mme M. alors qu’en l’espèce le Collège d’experts n’avait retenu qu’une prise en charge anesthésique non optimale.

4.     La loi KOUCHNER a fixé les conditions d’indemnisation dans le cadre d’une demande d’indemnisation déposée devant une CCI. Il appartient à l'assureur du défendeur d'adresser une offre d'indemnisation pour la part qui lui est imputable, dans le délai de quatre mois suivant la réception du présent avis. En vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, si au terme du délai de quatre mois, l'assureur précité n'a pas fait d'offre ou a refusé de proposer une offre, Monsieur M. et les ayants droits de Mme M. pourront saisir l'ONIAM qui se substituera à l'assureur.

 

Bibliographie :

-       Analyse et prévention des risques médicolégaux en obstétrique, pédiatrie et néonatalogie. Ed. DOUIN

 

 

 

1 commentaire


Alix T.
07 févr.

Très intéressant !

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